jeudi 16 mars 2017

A bras-le-corps 16 mars - 2 avril 2017

A bras-le-corps
Musique - Niccolò Paganini (Caprice n°1, 10 et 16)
Chorégraphie - Dimitri Chamblas & Boris Charmatz
Lumières - Yves Godin
Musique enregistrée
Entrée au répertoire du Ballet national de l'Opéra de Paris
Danseurs - Stéphane Bullion & Karl Paquette (les 16, 22, 25, 28, 30 mars et 2 avril 2017), Dimitri Chamblas & Boris Charmatz (le 18 mars 2017)

Karl Paquette - Stéphane Bullion


Difficile d’imaginer à l’avance quelle tournure allait prendre le duo contemporain improbable entre Karl Paquette, le prince solaire et Stéphane Bullion, le bad boy ténébreux. A Bras-le-corps, pièce de jeunesse cousue main sur et par deux uniques  interprètes, Dimitri Chamblas et Boris Karmatz depuis sa création sortait à nue de vingt années d’autarcie dans la rotonde du glacier de l’opéra Garnier.
Huis clos dans quelques mètres carrés entourés de spectateurs avides, anxieux, songeurs, la pièce joue de symétrie/asymétrie, puissance aérienne et vitesse au sol, apesanteur et pesanteur, une élégie du corps. Lutte contre l‘attraction du sol sous forme de sauts salvateurs ou de plongeons suicides. Le sol, ami et ennemi. Ici, utilisé sous toutes ses formes et au centre de l’œuvre, attirant, répulsif, on glisse, on s’appuie, on s’élève, ensemble ou séparément. Le danseur y est face à son outil, le corps et son énergie.

La chorégraphie est résolument contemporaine dans sa forme et sa scénographie mais pas tout à fait dans le fond. Les deux Etoiles du ballet de l’Opéra de Paris déploient leur maîtrise technique, dans les tours en l’air comme dans les arabesques, dans les portés spectaculaires, tour à tour ou en simultané, où la puissance et la virilité sont de mise. Ils maîtrisent la physicalité de l’œuvre et utilisent également leur talent interprétatif, incarnent des rapports violents ou de confiance, des moments d’humour mystérieux, des regards, des bruits de souffle, tout se place parfaitement dans la monté en tension de la pièce, jusqu’au combat final, les deux hommes corps contre corps, comme au judo, cherchent à stabiliser leurs prises, se tendent pour ne rien céder dans une lutte angoissante. 

Stéphane Bullion et Karl Paquette


Stéphane Bullion et Karl Paquette sont constamment en rapport visuel, s’observent, s’unissent ou se séparent, d’un commun accord ou violemment. Les enchaînements sont superbement réalisés par l’attitude des danseurs qui transmettent différentes atmosphères, l’angoisse, la sérénité, la confiance, le doute, l’ironie, la peur. Car la pièce livre 40 minutes de rapports humains, pas forcément harmonieux mais pas systématiquement violents.
Stéphane Bullion, le regard noir, est énergique et puissant. Karl Paquette est plus aérien. Il pourrait être le rêveur du duo mais tout d’un coup, les rôles semblent s’égaliser et la tension monte, il se jette sur le sol en criant, dans un manège aussi original que celui impressionnant de Stéphane Bullion, incisif dans une course tourbillonnante aux quatre coins de la scène. Stéphane Bullion qui sifflote indifférent. Sans en avoir l’air, il domine la scène d’un regard acéré que nul spectateur n’a envie de croiser.

Stéphane Bullion et Karl Paquette
Cette œuvre atypique est pourtant une des rares entrées intéressantes au répertoire du ballet de l’Opéra de Paris de la mandature de Benjamin Millepied.