vendredi 11 juin 2010

Kaguyahime 11 juin-15 juillet 2010


Kaguyahime
Musique (1985) - Maki Ishii
Chorégraphie (1988) - Jiří Kylián
Scénographie et lumières - Michael Simon
Costumes - Ferial Simon, Joke Visser
Kodo, Gagaku et ensemble de percussions invité
Direction musicale - Michael de Roo
Entrée au répertoire



Kaguyahime
Marie-Agnès Gillot

Argument (source : Programme Opéra national de Paris)

PREMIÈRE PARTIE
Un coupeur de bambou découvre une minuscule créature d'une beauté radieuse dans une tige de bambou. Sous le charme, il la ramène chez lui et l'élève comme sa propre fille. Elle devient rapidement une splendide jeune femme courtisée en vain par de nombreux prétendants.

 
  Kaguyahime
  Marie-Agnès Gillot

Parmi eux, cinq jeunes hommes ne se découragent pas. Elle leur confie à chacun une mission impossible à accomplir. Leur échec la préserve d'une union avec l'un d'entre eux.

Les Villageois

Alors que les villageois célèbrent la majorité de la jeune fille qu'ils baptisent Kaguyahime "Lumière qui resplendit dans la nuit", la paix du village est brusquement troublée par des aristocrates qui ont eu vent de l'extraordinaire beauté de la jeune femme.
Scène 1. Descente de Kaguyahime, scène 2. Les prétendants, scène 3. La célébration, scène 4. Le combat

Le Mikado
Stéphane Bullion

DEUXIÈME PARTIE
Des rixes éclatent entre les nobles et les villageois. Cette soudaine flambée de violence parvient aux oreilles de l'Empereur, le Mikado. Pour comprendre la cause de ces troubles, il veut rencontrer Kaguyahime. Profondément touché par sa beauté, il lui demande de venir vivre dans son palais.

 Le Mikado 
Stéphane Bullion


Elle décline l'offre et lui explique qu'elle vient de la Lune et que son temps sur terre est compté. Lors de la prochaine pleine Lune, elle devra repartir. Le Mikado n'accepte pas cette issue et ordonne à sa garde de prévenir toute fuite.

Le Mikado - Kaguyahime
Stéphane Bullion-Marie-Agnès Gillot

Mais la pleine Lune apparaît et brille d'un tel éclat qu'elle aveugle l'Empereur et ses gardes, permettant à Kaguyahime de s'élever vers la Lune.
Scène 1. Les citadins. Les villageois, scène 2. Le Mikado, scène 3. L'arrivée des soldats, scène 4. Ascension de Kaguyahime

dimanche 6 juin 2010

La Bayadère


Difficile de revenir sereinement sur cette Bayadère qui a vu la nomination de Stéphane Bullion au titre de Danseur étoile lors de l’ultime représentation de la série. Cette fin en forme d’apothéose venait fort à propos pour couronner la reprise qui avait connu une première semaine en demi teinte pour donner des moments plus intenses dans son dernier élan.


On avait vu par moment des belles choses chez les Nikiya d’Aurélie Dupont, Agnès Letestu, Clairemarie Osta, des belles Gamzatti, Emilie Cozette, Dorothée Gilbert, un beau Solor, Nicolas Le Riche, mais l’alchimie subtile de ce ballet narratif un peu vide avait du mal à prendre et susciter quelques émotions autres que parcellaires, une admiration pour une qualité technique ou une présence scénique de certains de ses protagonistes, mais rarement une impression de quelque chose d’autre, de plus abouti, de plus spontané ou de plus émotionnel.


Le corps de ballet devenait le centre de l’attention montrant une compagnie très homogène au plus haut niveau, des danses de caractère rondement menées et des ombres aux alignements parfaits.
La deuxième semaine présentait des protagonistes aux talents divers qui avec bon nombre de  prises de rôles (Jérémie Bélingard, Dorothée Gilbert, Mathias Heymann et Ludmila Pagliero) donnaient un panorama plus novateur et plus excitant aux distributions. Enfin on avait laissé aux lyriques Stéphane Bullion et Delphine Moussin le soin d’assurer la dernière avec en filigrane l’objectif de créer l’émotion.



Le rôle de Nikiya est à l’image de son Solor, un cadeau empoisonné pour les danseuses. Il y manque une progression dramatique claire dans l’histoire et laisse aux danseuses le soin de dessiner un personnage imprécis. La tentation de s’imposer par la démonstration technique n’est cependant pas l’option qui peut faire des grandes Nikiya car il faut également faire ressentir une compréhension des sentiments, une fragilité pour tisser la cohésion de l’histoire et une certaine dose de lyrisme dans le troisième acte qui, dans la version de Rudolf Nouréev, termine l’histoire dans le rêve de Solor. Il requiert des qualités d’interprétation qui ne sont pas valorisantes au premier plan pour la danseuse et nécessite une abnégation qui doit par ailleurs se faire aussi ressentir à travers la danse. Dans ce contexte, Agnès Letestu, Delphine Moussin et Clairemarie Osta sont les plus aptes à restituer le personnage discret et humble d’une Bayadère qui passe d’amours interdits heureux au désespoir de la trahison, puis à l’intemporalité spectrale.



Malheureusement cette année, Agnès Letestu a paru un peu en deçà dans l’investissement scénique et peu soutenu par un Solor inadéquat, elle s’est laissée éclipsée dans ses représentations par une Gamzatti exemplaire, Emilie Cozette. Clairemarie Osta semble moins à l’aise dramatiquement dans le troisième acte où elle n’arrive pas à imposer une représentation touchante de la Bayadère morte mais son personnage doux et très travaillé montre une Bayadère séduisante, peut-être un peu trop modeste, dans les deux premiers actes. Delphine Moussin en revanche,  excelle à rendre émotionnelle cette présence spectrale incroyable du troisième acte, malgré une certaine fragilité dans les moments de technique pure.  On trouve chez Delphine Moussin une interprétation profonde et très juste, une qualité des bras, en particulier au premier acte, alors que la danseuse sacrée illumine la scène et dans la variation de la mort et Nikiya qui émerveillent. Elle a de plus comme Aurélie Dupont avec Nicolas Le Riche, la chance de danser avec un partenaire, Stéphane Bullion, qui a tout compris de l’art de mettre en valeur sa partenaire tout en ne s’effaçant pas lui-même. Cela renforce la qualité et le lyrisme des pas de deux que Stéphane Bullion et Delphine Moussin portent au sommet d'une émotion fusionnelle dans le troisième acte.



Aurélie Dupont  comme Dorothée Gilbert est sans doute plus une Gamzatti, mais le ballet ne s’appelle pas La Fille du Rajah et toutes les danseuses veulent accéder au rôle de Nikiya. C’est d’autant plus dommage que cette série n’a offert que cinq Gamzatti, comme il est regrettable que le retrait de Marie-Agnès Gillot, tardif il est vrai, ait profité à Clairemarie Osta plutôt qu’à une nouvelle interprète. A cette occasion, tant sur Gamzatti que sur Nikiya, qui avait déjà souffert de la blessure d’Isabelle Ciaravola (remplacée par Dorothée Gilbert), on a senti une étroitesse dans le choix des interprètes féminines du ballet.


Si Dorothée Gilbert s’impose techniquement en Gamzatti, elle manque encore un peu de subtilité pour dresser le personnage ambigu de la princesse trahie, alors qu’Emilie Cozette a fouillé une interprétation d’une rare perfection. Elle a ainsi présenté une princesse séductrice, forte mais pas détestable qui a réussi à émouvoir dans sa déception et son  ressort pour se venger. Le relief donné à son personnage dans ses rapports à la fois avec Nikiya et Solor a réellement imposé la danseuse dans ses soirées. Les trois autres Gamzatti, Mélanie Hurel, Ludmila Pagliero et Stéphane Romberg, ont presque refusé de prendre la chance que ce rôle offre aux danseuses d’imposer une présence et donner un peu de crédibilité à l’histoire. Stéphanie Romberg avait bien commencé en semblant refusé Solor à la vue de son portrait mais a manqué de nuances dans ses rapports avec Nikiya.


Le rôle de Solor est également un beau rôle pour un danseur mais il est très typé et on comprend à peine qu’on puisse y distribuer certains danseurs. Mathias Heymann dont la pyrotechnie exceptionnelle peut à la rigueur donner le change malgré un sentiment de négation de l’histoire passe encore, mais José Martinez ou Karl Paquette on paru trop passifs et  effacés pour donner la réplique à leurs Nikiya et leurs Gamzatti. Certes, le guerrier est prince, mais l’histoire et la chorégraphie nécessitent une "niak" que l’on ne trouve pas chez ces danseurs, et les danseurs "voyous" s’y retrouvent bien plus à l’aise.


Au jeu de la présence scénique, difficile de rivaliser avec Nicolas Le Riche même si on a ressenti un  automatisme qui nuit à l’émotion et une petite limite technique dans la dernière variation flamboyante de Solor. Jérémie Bélingard a été un peu inégal, mais il faut le dire à un niveau tellement excellent qu’on aurait peine à le critiquer plus avant. Très brillant dans sa prise de rôle où il ne rendait rien à Mathias Heymann d’un point de vue pyrotechnique, il a semblé un peu éteint dans sa dernière représentation, également au point de vue du jeu.  Or la qualité du jeu de Solor est somme toute le fil rouge de l’histoire. C’est pour cette raison qu’on attend beaucoup des progrès que pourraient faire Mathias Heymann dont la danse est merveilleuse mais la présence scénique hors bondissement est plutôt à travailler, surtout qu’il n’avait pas en Dorothée Gilbert une Nikiya qui pouvait amortir en subtilité et nuance, un malaise interprétatif.


C’est bien sûr dans ce domaine que Stéphane Bullion impose un Solor impérial avec cette possession de l’art de l’intrigue dont il a fait sienne la spécialité. Mais Solor n’est pas pour lui uniquement un moyen de tirer une histoire à lui, c’est aussi le rôle idéal pour montrer sa puissance physique, aussi bien dans les détails ciselés des pas de deux du troisième acte que dans le Grand pas du deuxième qui semble presque être le moment parfait pour montrer son impressionnante élévation et sa dynamique musicalité. Sa manière de s’approprier la chorégraphie montre à travers sa danse comme son interprétation, le dualisme d’un homme à la fois décider à épouser la superbe Gamzatti sans hésitation, mais qui dévoile son côté rêveur lorsqu’il voit de nouveau Nikiya. Il est progressivement mal à l’aise lors de la variation de la mort de celle-ci et profondément bouleversé à la fin, alors qu’il vient d’établir son bonheur dans la coda triomphale avec Gamzatti.


C’est également un rôle où il est à l’aise techniquement et où sa puissance phénoménale rend assez spectaculaire la dernière variation des doubles assemblés, dont le brio a été un peu écorné par la plupart des autres danseurs. Si dans l’absolu, on ne sait pas trop quoi penser de cette variation incroyablement difficile placée à l’ultime fin du ballet, il faut bien dire que lorsqu’elle est impressionnante, on en reconnaît les mérites du spectacle.
Stéphane Bullion en a récolté les lauriers et son couronnement quelques minutes après cette démonstration de beauté et de puissance n’en est que plus évident. 

 
Delphine Moussin et Stéphanie Romberg accompagnent Stéphane Bullion dans les images de cette  recension. 
Tx JJ