mardi 10 novembre 2009

Emeraudes/Rubis/Diamants


Stéphane Bullion & Mélanie Hurel, Séverine Westermann, Alessio Carbone, Sarah Kora Dayanova, Isabelle Ciaravola & Christophe Duquenne

A Paris, Joyaux a étendu ses distributions aux danseurs qui présentaient Giselle lorsque la compagnie était à Montpellier et à Grenoble, et plus ou moins remodelé ou diversifié des paires qui s’étaient produites en province. Mais avec cette série parisienne, l’Opéra a surtout offert (timidement mais quand même assez clairement pour le souligner) à des danseurs moins connus de la compagnie l’occasion de danser des rôles où ils ne sont pas souvent mis en exergue, les ballets plus classiques étant construits traditionnellement autour d’un duo, voire d’un trio de solistes, apanage des Etoiles et des Premiers danseurs, ou les ballets contemporains qui utilisent peu de danseurs et sont moins centrés sur l’individualisme.

Axel Ibot, Séverine Westermann & Sarah Kora Dayanova

A partir de la solide base érpouvée en octobre, un turnover léger mais perceptible a permis de voir quelques individualités plus rares, Sarah Kora Dayanova s’est illustrée dans Emeraudes et Diamants, s’affirmant avec toujours une précision et une musicalité très balanchinienne. Dans Emeraudes avec Axel Ibot, Pauline Verdusen ou Séverine Westermann, dans Rubis, Vanessa Legassy ou Sabrina Mallem, et dans les quatuors de Diamants avec ces deux dernières, Héloïse Bourdon, Laure-Adélaïde Boucaud, Fanny Gorse ou Karine Villagrassa, Grégory Dominiak, Florimond Lorieux, Julien Meyzindi ou Yann Saïz par exemple


Emeraudes est condamné à répandre sa mélancolie devant une salle qui n’est pas encore remise de l’agitation parisienne et ne récupère pas de sa torpeur une fois l’opus terminé. Si la chorégraphie semble diluée dans la musique évaporée de Fauré, l’avantage de la série parisienne est qu’elle a confronté des interprétations très marquées par la personnalité des danseurs.

Isabelle Ciaravola & Christophe Duquenne

Isabelle Ciaravola a apporté une clarté lumineuse dans le premier couple. Son port de bras aquatique et sa danse très fluide ont rendu le solo de la fileuse moins mièvre que ses collègues, alors qu’Eve Grinsztajn reste la Sicilienne la plus à l’aise.

Mélanie Hurel & Stéphane Bullion

Yann Bridard et Stéphane Bullion ont diffusé leur sérénité lunaire et triste dans cet univers de sourires un peu niais, appelant définitivement à la rêverie.

Eve Grinsztajn & Yann Bridard

Christophe Duquenne est un danseur d’une élégance rare qui se personnifie dans une danse fluide s’harmonisant parfaitement avec celle d’Isabelle Ciaravola. Il a par ailleurs la chance d’avoir un sourire naturel qui n’évoque pas la stupidité, c’est un atout qui confère à son interprétation la qualité en plus pour danser du Balanchine avec majesté et respect.

C’est donc Rubis qui réveille et il est certain que l’interprétation d’Aurélie Dupont, Marie-Agnès Gillot et Mathias Heymann est décapante.

Aurélie Dupont & Mathias Heymann


Toutefois, si on va un peu plus loin dans l’exigence de satisfaction, celle du trio Jérémie Bélingard, Emilie Cozette et Clairemarie Osta semble moins terre à terre et plus inspirée. En effet chez les premiers, seule leur incroyable maîtrise technique leur permet d’éviter le ridicule qu’ils côtoient constamment avec danger…

Mitéki Kudo, Emilie Cozette & Axel Ibot

Ce parti pris, ou cette limite personnelle, n’appporte pas grand-chose à l’œuvre alors que Jérémie Bélingard et Clairemarie Osta habitent la chorégraphie pour la rendre humaine et gommer les passages les plus kitch dans des contournements assez judicieux.

Vanessa Legassy

Les autres trios ont paru plus modestes, un peu mous malgré une très belle performance de Sabrina Mallem, plutôt dynamique sans forcer et la finesse de Vanessa Legassy qui a moins de facilités techniques mais qui utilise le charme à plein.


Diamants. Diamants, c’est l’extase du public au son des flons flons de Tchaïkovski… Sous le vernis, la délicate Delphine Moussin aurait mérité mieux que Mathieu Ganio, pas très bon partenaire, pour faire ses débuts.

Delphine Moussin & Mathieu Ganio

Son port de bras délicat émerveille, et même si elle incarne moins la volupté qu’Emilie Cozette qui semble beaucoup s’amuser dans Diamants, elle reste une ballerine qui touche dès ses premiers pas sur scène. Emilie Cozette et Christophe Duquenne dialoguent avec finesse et charme dans l’adage, la coquette inatteignable et parfois mutine, le charmeur sûr de son art.

Emilie Cozette & Christophe Duquenne

Les deux distillent une danse extrêmement musicale qui fait défaut aux autres couples plus heurtés ou plus hiératiques. Ils ne sombrent jamais dans l’exhibition à laquelle la musique appelle quelquefois assez vulgairement et restent plutôt naturels.

Christophe Duquenne