dimanche 1 avril 2012

Dances at a gathering - Appartement

Stéphane Bullion (Appartement)
Dances at a gathering et Appartement au Palais Garnier,  la double affiche complètement antithétique présentée ne sert pas vraiment le style de Jerome Robbins, au demeurant fort bien dansé par le ballet de l’Opéra de Paris (un peu moins bien joué au piano au gré des jours, Chopin est un compositeur plus complexe que ce qui est généralement admis).


Dances at a gathering

Aurélia Bellet- Pierre-Arthur Raveau  (Dances at a gathering)
Trop long, le premier ballet lasse rapidement passée l’appréciation du joli coup de pied des uns, la vitesse  ou l’élévation des autres… Alors que tout ne devrait être que grâce et rêverie, le public  se retrouve vite à compter les minutes qui séparent de l'entracte ou d’Appartement selon qu'on connaît ou pas la seconde œuvre, en redoutant l’étendue des terribles auréoles qui envahissent les chemises  des danseurs : la danse est aussi une question d’esthétique parfois bassement matérielle qui atteint ici son essentielle superficialité…
Si Dances at a gathering avait été couplé avec un autre ballet, il aurait également été possible de faire (un peu) abstraction de la vacuité d’un ballet petit-bourgeois suranné alors même qu’Appartement décline une peinture acerbe contemporaine de la vie quotidienne d'une société familière au plus grand nombre.

Clairemarie Osta-Nicolas Paul  (Dances at a gathering)

Il est alors d’autant plus ennuyeux que La Bayadère donnée concomitamment à Bastille subit avec bien des malheurs la privation des Etoiles et Premiers danseurs réquisitionnés en masse sur ce pensum réputé difficile à danser. Par effet de rareté, cette profusion a néanmoins permis de singulariser de belles individualités moins mises en avant d'habitude, Aurélia Bellet, dégagée de Bayadère suite à la blessure d’Isabelle Ciaravola ou Nicolas Paul, déjà remarqué dans Orphée, Pierre-Arthur Raveau ou Daniel Stokes chez les plus jeunes qui ont un peu rompu le caractère snobinard que prenait cette réunion d’apparatchiks.


Appartement

(de g à d) Adrien Couvez-Stéphane Bullion-Simon Valastro-Ludmila Pagliero (Appartement)

Avec Appartement, c’est une autre dimension. Beaucoup d’Etoiles également mises au service de l’œuvre de Mats Ek qui aborde subtilement avec une inventivité constamment renouvelée la description d'un quotidien redoutable et à travers cet Appartement, Mats Ek réalise une critique sociale très bien vue qui ne verse jamais dans le facile et ne se dépare pas du caractère artistique d'une danse puissante et expressionniste, virtuose et jubilatoire.

Vincent Chaillet (Appartement)
Les images de la vie quotidienne sont abordés de manière presque symbolique dans des lieux discrètement évoqués mais surtout à travers une étude des rapports humains, rapports de couples, rapports d’enfants, rapports de groupes et ceci sur le mode de l'humour, parfois noir, parfois tendre. 
Allers et  retours entre  situation et sentiment, du plaisir à l’utilité de certains ustensiles et leurs fonctions sociales abordés avec acuité et dérision (aspirateur, bidet, cuisinière, télévision,), grandeur et poésie (la porte) avec une énergie extérieure (passage piéton) ou caractérisée d'un charmant lyrisme (valse). Les musiciens du Fleshquartet qui jouent leur composition ne sont pas exclus du débat et sur scène participent par exemple de la révolte des ménagères. C'est la vie courante, en toute simplicité.

Stéphane Bullion-Ludmila Pagliero (Appartement)
La pièce de Mats Ek exploite tous les aspects de l’individu y compris ceux  peu communs comme la voix qui symbolise souvent la contestation, la querelle. Appartement s’inscrit bien dans le style chorégraphique de Mats Ek avec une utilisation de l’énergie et des poses caractéristiques, presque cartoonesques, qu’il travaille d’ailleurs dans la même  intention synthétique. Cela lui permet de livrer un ballet court et pourtant très riche, imaginatif, un ballet puissant, rapide, énergique, sorte d'exorcisme libérateur in fine de toute inhibition, et pourtant tendre et poétique. Riche aussi parce qu’il se poursuit au-delà même de la soirée, les situations vues sur scène se déclinant postérieurement dans l’esprit du spectateur et son propre quotidien.

Stéphane Bullion-Ludmila Pagliero (Appartement)