vendredi 7 octobre 2011

Phèdre - Psyché

Stéphane Bullion - Marie Agnès-Gillot

La saison du Ballet a donc commencé par cette soirée Phèdre-Psyché,  tintamarre  et  choc visuel dont on peut tirer quelques richesses et satisfactions, mais pas forcément de grands émois.
Comme souvent un peu de remous dans les distributions a tiré le spectateur de sa torpeur et parfois de sa circonspection, en, sinon provoquant l’exaltation, permettant de suivre jusqu’au bout avec un intérêt renouvelé ce qui s’annonçait comme une routine à trois distributions relativement peu originales dans les deux ballets constituant cette affiche.

D’abord sur Phèdre de Serge Lifar, Agnès Letestu a dû renoncer à sa dernière apparition laissant Marie-Agnès Gillot gagner amplement à côtoyer Stéphane Bullion et Yann Saïz qui avaient contribué la veille au triomphe indiscutable d’Agnès Letestu. 

Stéphane Bullion - Yann Saïz

Même si préférer la force à la psychologie peut-être discutable ou argumentable pour imposer cette Phèdre, Marie-Agnès Gillot a dû, par obligation, se mettre à l’écoute de ses deux partenaires plutôt fins et réflexifs dans leurs compositions théâtrales, très habités par leurs rôles. Stéphane Bullion et Yann Saïz avaient conçu Thésée et Hippolyte dans un mélange de jeux subtils, de regards riches de sens, de pauses marquées qui donnaient parfois une impression illusoire de ralenti, et alors qu’elle n’était pas poussée à l’extrême par l’Oenone de Sabrina Mallem qui n’a pas le tranchant d’Alice Renavand, la tonalité d'ensemble a fortement atténué l'esprit mécanique qu'elle avait voulu donner en forçant les traits de l'héroïne.

Stéphane Bullion
C’est au final, peut-être dans cette représentation inédite de dernière minute  que sa Phèdre a pu s’exprimer le mieux. Yann Saïz et Marion Barbeau, les nouveaux venus de la série ont quant à eux restitué la théâtralité de Lifar, avec tact et justesse dans le pas de deux symbolique de l’amour si peu valorisant pour les danseurs.

Stéphane Bullion - Clairemarie Osta

Sur la création d’Alexeï Ratmansky, défection également donc de Benjamin Pech qui, si elle a encore sollicité la flexibilité remarquable de Stéphane Bullion dans l'adaptation aux situations d'urgence, a profité pleinement à Clairemarie Osta, enfermée jusqu'alors par l’interprétation peu inspirée, loin du féerique ciblé, de son partenaire désigné à l’origine. Même si la fluidité du partenariat s’est réglée au fur et à mesure dans ses deux premières avec ses nouveaux partenaires, Clairemarie Osta a mis en oeuvre ses immenses qualités dramatiques à la fois avec Stéphane Bullion, avec qui elle a commencé à danser la saison dernière dans Caligula et Les Enfants du Paradis, et  bien sûr Mathieu Ganio, partenaire plus habituel ; celui-ci n'a pourtant n’a pas été envoyé au feu en premier, ce qui  a d’ailleurs hélas privé pour l’occasion Stéphane Bullion de deux Thésée, qu'il avait déjà eu peu de temps de répéter en raison du remplacement impromptu d'Hervé Moreau sur la Première le 22 septembre.

Stéphane Bullion - Clairemarie Osta - Alice Renavand

Ces deux associations inédites et pourtant réussies n’ajoutent rien à l’indigence de la créativité d'Alexeï Ratmansky mais ont vraiment aidé à apporter une nouvelle vision sur le ballet, un peu trop tourné à la sophistication mondaine par Aurélie Dupont et expédié à toute vitesse par une Dorothée Gilbert paraissant quelquefois pressée d’en finir (ce qui est compréhensible) mais dont la recherche du plaisir personnel a souvent laissé Mathieu Ganio au bord du chemin. Avec Clairemarie Osta, celui-ci s’est installé dans un dialogue montrant une vision du personnage simple mais agréable, répondant bien à la douce candeur d'une Psyché rêveuse, alors que Stéphane Bullion, toujours pénétré de son Eros ludique et riant, servait avec bonheur cette magnifique danseuse à l’apogée de son épanouissement artistique.

Le Jeune Homme nu (H.Flandrin, 1855) - Stéphane Bullion
Pour le reste, les  50 minutes du ballet s’égrenaient longuement comme lorsqu’on observe un sablier dont on a  peur qu’il ne s’engorge, la musique de César Franck, larmoyante à mourir faisait passer celle de George Auric pour un chef d'œuvre d’originalité! 
Parfois, l'esprit vagabondait mais aussitôt les inspirations du chorégraphe se dressaient individuellement, évidentes dans le Dream de Frederick Ashton, le Casse-Noisette de Maurice Béjart ou même le Alice in Wonderland de Derek Deane (mais il n’a pas eu l’impudence de mettre un lapin… quoi que… ) ou même lorgnant du côté de la peinture avec Hippolyte Flandrin et son Jeune Homme au bord de la mer pour son Eros boudeur, voire évoquaient les portés glissés sur le dos vus très récemment chez José Martinez… et d’autres emberlificotages des bras à la Balanchine… Ce n'est pas en l'esprit forcément rédhibitoire, mais ici à la fin, cela faisait beaucoup, le temps était passé, mais à quoi bon ?

Stéphane Bullion - Clairemarie Osta